Approche psychologique et relationnelle de l’enfant au
cabinet dentaire
Résumé:
Le chirurgien-dentiste est très souvent synonyme de
peur, d’angoisse ou d’anxiété chez les patients, petits ou grands. Réussir à
éduquer nos jeunes patients à l’égard des soins dentaires, tout en mettant en
œuvre, efficacement les mesures de prévention et les traitements restaurateurs,
est un vrai défit pour tout pédodontiste. L’approche psychologique et
relationnelle de l’enfant permet de surmonter la plupart des barrières
rencontrées en odontologie pédiatrique. Le présent travail se propose de passer
d’exposer l’approche actuellement préconisée pour favoriser l’établissement de
bons rapport avec les petits patients, tout en tenant compte de l’inévitable
dimension parentale. Puis nous verrons comment le non verbal et le verbal
peuvent nous aider à améliorer cette approche.
Mots
clés: Enfant, approche
psychologique, verbal, non verbal.
Introduction
En odontologie
pédiatrique de multiples émotions sont souvent ressenties dans une même séance
de soins que ce soit par les enfants, leurs parents ou l’équipe soignante. L’évolution de notre société permet de porter
un intérêt particulier à l’enfant à travers son ressenti et de l’associer à son
traitement par un contrat qui s’établit entre lui et le praticien, qui l’engage
et le responsabilise. Dans ce but un certain nombre de stratégies
psychologiques permettent d’améliorer la relation que nous entretenons avec les
enfants et leurs parents. Il convient alors de respecter de certains principes
(1, 2) :
-
Expliquer le
traitement à l’enfant et ses parents;
-
Anticiper les
problèmes en lui demandant s’il se sent capable de faire face au traitement
envisager et e qui lui semble difficile à affronter;
-
Ne provoquer que
ce dont il est capable de faire l’expérience sans peine;
-
L’informer de la
probabilité de douleurs à un moment donné;
-
Attirer son
attention sur le fait que les expériences ne correspondent pas aux attentes anxieuses qu’il s’en fait;
-
Confier à l’enfant
nos sentiments à l’égard de la séance qui vient de se dérouler.
En cas d’anxiété ou de trouble comportemental persistant, nous
pouvons l’orienter ainsi que ses parents vers l’utilisation de stratégies d’approche
plus pointues qui découlent de la psychologie cognitivo-comportementales ou de
la communication. A cette fin, il est opportun d’étudier en premier lieu les
protagonistes de la relation thérapeutique: l’enfant, praticien et les parents
(1, 2). Puis voir comment le non verbal et le verbal peuvent-ils nous aider à
améliorer notre approche de l’enfant.
Les protagonistes de la
relation thérapeutique
La relation qui
existe lors de la prise en charge d’un enfant peut être qualifiée de triadique
: les parents, leur enfant et le chirurgien-dentiste. Tout ce qui touche l’un
des membres a donc directement un impact sur les autres. Cependant, le bon
déroulement de la séance dépend du praticien car il dispose du savoir
nécessaire, il est le chef d’orchestre du soin coordonnant les musiciens pour
créer un environnement harmonieux. Pour cela, il se fait aider à la fois du
personnel médical mais aussi des parents qui ont un rôle majeur pour
tranquilliser, consoler et calmer leur enfant (3).
L’enfant
Le premier élément à
intégrer lorsque l’on doit soigner des enfants est que ne sont pas des adultes
en miniature: ils ont leur propre perception de la réalité et leur propre
univers qui différent de ceux des adultes. Leur forme de pensée relève de
ludisme (recherche du plaisir par le jeu) et de la pensée intuitive, encore
appelée pensée intuitive, encore appelée pensée magique. De plus, ils sont en
plein processus de développement sur les plans psychomoteur, cognitif et
affectif. En effet, c’est la capacité du
praticien à reconnaître son petit patient dans sa dimension de sujet qui
contribue à la qualité de sa prise en charge. Ceci nécessite des connaissances
et des aptitudes particulières, c’est pourquoi il nous semble intéressant de
rappeler les particularités inhérentes à l’enfance (3).
·
1-2 ans :
l’âge du déménageur « de l'acrobate».
l'apprentissage de la
marche assure à l'enfant une mobilité et une relative indépendance. Il est
ainsi capable de découvrir le monde extérieur Cependant, il ne peut pas
"comprendre" le bienfait des soins et ne peut être consciemment
"coopérant". En toutes circonstances, cet enfant doit rester au
contact du parent. Ses pleurs sont plus le signe de son inconfort que d’une
peur réelle (4).
·
Age
préscolaire
2 ans : l’enfant
possède encore peu de vocabulaire mais il comprend beaucoup de choses. L’enfant
doit toucher les objets et entendre les sons. Il est effrayé à la découverte de
visages nouveaux, il est difficile de le séparer de ses parents (3, 4).
2-2 ans1/2 : "Phase
d'opposition" ou d'affirmation vigoureuse et de prise de position d'un
moi. Le langage prend de l'importance. C'est le début de la mise en place de la
fonction représentative ou symbolique : il se représente les situations en les
jouant (le bruit du moteur, ...), il imite. Les peurs de cet âge sont
tangibles: la lumière, les bruits, les animaux, les visages étrangers (3, 4).
3-4
ans
: L’enfant a un grand désir de parler et de raconter des histoires. C'est l’«
âge questionneur », du « pourquoi ? ». l’enfant présente une
fonction intellectuelle, mais aussi une fonction affective. Il faut le rassurer
et calmer l'anxiété suscitée par un monde imprévu où il doit explorer les
règles de conduites et les usages imposés par l'adulte. L'anxiéte domine à cet âge. Elle est liée
à la relation à l'adulte, et le plus souvent fonction de la relation à la
mère, mais aussi du climat intra familial. Au cabinet dentaire, il faut lui apprendre.
Cet apprentissage se fait avec un plus grand sentiment de sécurité en
présence d’un parent. Ensuite, l’enfant peut rester seul. Mais il ne faut
jamais le séparer pour le punir (3,4).
4- 5 ans : l’enfant écoute avec
intérêt les explications et répond normalement aux directives verbales. Il
s’identifie aux personnes qui l’entourent et présente une grande imagination. Il faut le rassurer :
il ne restera pas ici, il rentrera dans sa maison, les soins s’arrêteront
lorsque le travail sera terminé.
L’enfant à cet âge redoute la douleur et le saignement. S’il n’a pas
d’expériences négatives, l’enfant est très fier de nouvelles expériences, de nouvelles
relations. Le langage n'est pas la source majeure d'information, il doit
toucher, sentir et explorer. Le laisser utiliser certains objets, c'est aussi
le laisser exprimer son anxiété. L'enfant doit être acteur de la scène (3,4).
·
Enfant
d’âge scolaire : « âge moyen » 6 – 11 ans
- Il apprend beaucoup sur le monde qui
l’entoure. Période des peurs réelles et imaginaires et de la recherche
d’identité. Il gagne en indépendance. Parce qu’il souhaite son indépendance, il
peut être indiscipliné. Il faut lui mettre des limites et lui donner des ordres
en étant énergique, mais attentionné (5).
- La période intuitive : 5-6-7 ans : Son
esprit se laisse aller à l’imagination et ne comprend que ce qu’il voit. La vue
d’une seringue peut provoquer un grand sentiment de danger.
-La seconde période : 7-
11 ans : les pensées deviennent logiques. Les peurs de l’enfant, ses
appréhensions peuvent être accessibles à un discours logique. Il sait
reconnaître l’intérêt qu’on lui porte. Les peurs et anxiété sont fortement
liées aux expériences et au vécu dans les relations thérapeutiques antérieures
(médicales - hospitalisations, et dentaires).
·
Adolescence
: 11- 15 ans :
Période complexe, centrée
sur la constitution d'une "image de soi" au travers de séquences
d'ouverture et de repli. Parfois à une
dévalorisation de soi, à des conduites de prise de risque (tabac, alcool etc)
mettant en jeu la santé des jeunes individus (5).
Les
parents:
Le rôle du parent
dans la thérapeutique de son enfant est, d’apparence, relégué au second plan
mais sa présence au cours des soins peut influencer positivement ou
négativement le déroulement de la séance. Le chirurgien-dentiste doit lui
enseigner la préparation psychologique de l’enfant aux soins et notamment à la
première consultation qui est essentielle pour l’avenir. Les relations
familiales vont influer sur le niveau d'anxiété de l'enfant mais aussi sur ses
capacités d'adaptation et d'apprentissage (6). Pour cela il faut observer
certains points particuliers dès la première visite:
- Evaluer la relation
parent-enfant permet d’évaluer l'évolution possible du comportement de
l'enfant.
- L’histoire de la famille
par rapport aux soins.
- Les facteurs ethniques
et socioculturels : l'accès aux soins est souvent compliqué par une mauvaise
compréhension liée à une mauvaise communication (problème linguistique).
Le
praticien:
Le
chirurgien-dentiste doit avoir une bonne connaissance du développement cognitif
et affectif de l’enfant, comprendre les raisons qui l’amènent à devenir
réfractaire aux soins et instaurer un climat de confiance afin de mettre en
place la démarche la plus adaptée à sa prise en charge. L’objectif est d’amener
l’enfant à participer à ses soins et donc à coopérer.
Le praticien doit
faire preuve d’honnêteté : ne pas lui dire qu’il n’aura pas mal lors de
l’anesthésie alors qu’il sait pertinemment que ce geste peut être douloureux,
il va, au contraire, lui expliquer que cela peut être un peu désagréable mais
qu’après il ne sentira plus rien. Dans cette relation, le chirurgien-dentiste
doit faire comprendre que les règles au cabinet ne sont pas forcément les mêmes
que chez lui. De plus, tisser des liens trop étroits avec lui peut finir par
effacer le parent, notamment la mère, amenant à une rupture brutale des soins
(6).
L’enfant se réfère
énormément à ses parents, leur attitude doit donc être adaptée à sa prise en
charge. A cette fin, le chirurgien-dentiste les met en confiance grâce à la
communication mais fait aussi preuve d’empathie et est attentif à leurs
attentes. Il va les tenir informés des soins car la plupart des parents ignore
ce qu’il fait. En l’occurrence, il est nécessaire d’établir une relation
sereine entre le praticien et l’enfant afin d’évoquer avec eux les problèmes,
les solutions thérapeutiques ou alternatives et de prendre en considération
leurs préférences ou inquiétudes (6,7).
Références
bibliographiques:
1. Dajean-Trutaud
S, Fraysse C et Guihard J. Approche psychologique de l’enfant au cabinet
dentaire. Encycl Méd Chir. (Elsevier, Paris), Odontologie, 23-400-D-10, 1998, 4
p.
2. Wolikow M et Adam C. Soigner l’enfant :
une approche psychologique. Réal Clin 2001;12(1)21-33.
3. American Academy on Pediatric Dentistry. Guideline
on behavior guidance for the pediatric dental patient. Pediatr Dent.2008-2011; 30(7
suppl): 125-33
4.
Baier K, Milgrom P, Russell S, Mancl L, Yoshida T.
Chil-dren’s fear and behavior in private pediatric dentistry practices. Pediatr
Dent 2004;26(4):316-21.
5.
Peretz B, Nazarian Y, Bimstein E. Dental anxiety in a
students’ pediatric dental clinic: Children, parents and students. Int
J Paediatr Dent 2004;14(3):192-8.
6.
Freeman R. Communicating with children and parents:
Recommendations for a child-parent-centred approach for paediatric dentistry.
Eur Arch Paediatr Dent 2008;9(1):16-22.
7.
Feigal Rj. Guiding and managing the child dental patient: A fresh
look at old pedagogy. J
Dent Educ 2001;65(12):1369-1377.
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